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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

puisse me représenter ne me paraît pas triste quand il en fait partie.

« Nous remédierions aux carreaux brisés avec du papier, nous essuierions les gouttes de pluie avec nos mouchoirs, et, assis à côté l’un de l’autre, nous causerions de l’avenir, comme nous le faisons maintenant. L’espoir ne pourrait jamais nous abandonner, tant que nous serions ensemble.

« Et alors, quelquefois, quand je regarde Valentin, la pensée qu’il faut mourir me vient tout à coup et je sens au cœur comme l’étreinte d’une main glacée.

« Je m’éveille parfois la nuit avec cette pensée et en me rappelant la mort prématurée de mon père.

« Il revint un soir à la maison, avec un gros rhume, et depuis ce moment il déclina jusqu’au moment où il mourut.

« Ah ! penser qu’une femme puisse avoir à souffrir d’un tel malheur ! Heureusement pour maman qu’elle n’est pas capable de sentir trop profondément la souffrance. Elle a été triste, et maintenant encore, quand elle parle de papa, elle pleure un peu, mais ces larmes-là ne lui font pas de mal. Je pense en vérité qu’elle y trouve une sorte de plaisir.

« Voyez, chère, quelle longue lettre égoïste je vous ai écrite ; après tout, je ne vois rien de plus à vous dire, si ce n’est que tout en étant ravie de penser à votre plaisir au milieu de vos nouveaux amis, dans un pays nouveau pour vous, mon cœur égoïste soupire après l’heure qui vous ramènera auprès de moi.

« Je vous en prie, dites-moi, toutes vos impressions au sujet de celles qui doivent devenir vos filles.

« Votre toujours et toujours aimante.

« Charlotte. »