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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

grande et belle salle, décorée de peintures religieuses exécutées par les membres de la congrégation.

« Gustave et moi fûmes reçus par la supérieure, une vieille dame dont le visage doux et les manières empreintes d’une grâce tranquille conviendraient à une duchesse. Elle envoya chercher les demoiselles Lenoble et, après une attente d’un quart d’heure (vous vous rappelez la toilette que les élèves de la pension étaient obligées de faire avant de se rendre au salon), Mlle Lenoble arriva. C’est une grande, mince, belle et aimable personne qui me rappela aussitôt la meilleure amie que je possède au monde.

« Elle courut d’abord à son papa, qu’elle embrassa avec une joie incroyable, puis elle resta un moment à me regarder d’un air timide, confus et embarrassé.

« Son embarras ne dura qu’un instant, Gustave se baissa pour lui murmurer quelque chose à l’oreille, une chose à laquelle ses lettres avaient déjà dû quelque peu la préparer.

« Le visage de la belle jeune fille s’éclaira, ses yeux d’un gris-bleu tournèrent vers moi leur doux et affectueux regard, et elle vint à moi et m’embrassa.

« — Je vous aimerai beaucoup, murmura-t-elle.

« — Et moi je vous aime beaucoup déjà, lui répondis-je du même ton confidentiel.

« Je pense que ces simples mots auxquels répondit le regard confiant de ses yeux innocents, suffirent pour former entre nous un lien qui ne se brisera pas facilement.

« Ah ! Charlotte, quel gouffre entre la Diana Paget qui débarqua seule sur le quai du Dock de Sainte-Catherine, à la clarté incertaine d’une froide matinée, ne sachant pas si elle trouverait un abri dans cette