Page:Braddon - L’Héritage de Charlotte, 1875, tome I.djvu/287

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
283
L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

nous viendrons nous établir à Cotenoir ; mais je ne trouve pas dans mon cœur le courage de faire disparaître toutes les traces laissées par les pas de ceux qui sont morts dans la poussière des longs corridors de ma future demeure.

« Il faut maintenant que je vous parle de celles qui doivent être mes filles.

« Celle que je puis appeler dès à présent mon aînée, car je l’aime tant déjà qu’une rupture avec Gustave ne pourrait lui enlever mon affection, est la plus aimable et la plus aimante des créatures, elle vous rappelle à ma pensée. Vous allez rire de cette idée, mais songez que je ne dis pas que Mlle Clarisse Lenoble vous ressemble actuellement par le teint, par les traits, et par ces rapports communs qui peuvent frapper tous les yeux ; la ressemblance est d’une nature beaucoup plus subtile : il y a un air dans le visage de cette chère enfant, un sourire, un je ne sais quoi qui me rappelle votre brillant visage.

« Vous direz que c’est une pure imagination, et c’est ce que je me suis dit d’abord à moi-même, mais j’ai reconnu après que ce n’était pas une idée, mais bien réellement une de ces vagues et indéfinissables ressemblances accidentelles qui se rencontrent si souvent. Pour moi c’est un heureux hasard car, au premier coup d’œil, le visage de ma fille m’a dit que je pourrais l’aimer rien que par l’affection que j’ai pour vous.

« Nous avons été au couvent hier : c’est une vieille habitation fort curieuse, un ancien et imposant château, qui fut autrefois la demeure d’une ancienne famille.

« Une petite sœur tourière portant la robe noire des sœurs laies, nous a reçus et conduits au parloir,