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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

la salle à manger commune ; Gustave ne fut, par conséquent, nullement surpris de ne pas l’y rencontrer. Il prit une tasse de café et sortit pour aller au cours.

Il y avait en lui une fièvre qu’il ne pouvait comprendre et dont il ne pouvait se débarrasser.

Il marcha très-vite pour être plus tôt au Luxembourg, comme s’il eût eu quelque raison particulière pour se presser.

C’est ainsi que sans le savoir les hommes courent souvent au-devant de leur destinée, sans tenir compte des pressentiments. Les augures peuvent menacer, les femmes peuvent raconter leurs rêves, mais lorsque son heure sera venue, César ne se rendra pas moins au lieu précis où l’attend le poignard des assassins.

Dans l’allée où pour la première fois ses regards S’étaient fixés sur la figure affligée sous l’ombre de jeunes tilleuls et de marronniers dont les fleurs commençaient à paraître, il aperçut de nouveau, ce jour-là, la dame anglaise assise sur le même banc, presque dans la même attitude.

Il alla vers elle, lui souhaita le bonjour, et, sans avoir conscience de sa témérité, il s’assit à son côté.

« Je ne m’attendais pas à vous rencontrer ici aussi matin, lui dit-il.

— Non, je sors rarement d’aussi bonne heure ; mais ce matin j’ai à prendre quelques renseignements pour une affaire, et je me repose ici un moment seulement en attendant que j’aille les chercher. »

Elle laissa échapper un léger soupir en achevant ces mots.

Cela semblait une singulière façon de s’occuper d’affaires que de s’arrêter dans le jardin du Luxembourg à quelques pas à peine de sa demeure.