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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

— Et vous allez retrouver vos amis ? demanda Gustave d’un ton très-affligé.

— Je vais retrouver mes amis ?… Oui… »

Ses lèvres tremblèrent un peu et des larmes involontaires lui vinrent aux yeux.

Ah ! quel pouvait être le chagrin qui oppressait cette belle créature ? Quelle pouvait être la cause des peines ou des remords qui la consumaient ?

Gustave se rappela son accès de douleur de la soirée précédente ; son langage au sujet d’amis morts, de bonheur perdu, et maintenant elle parlait d’aller rejoindre la demeure de ses amis ; mais avec quelle amertume d’expression elle avait prononcé ce mot : amis !

« Est-ce que vous partez seule, Mme Meynell ? » demanda-t-il après une pause.

Il ne pouvait s’arracher de ce siège où il était près d’elle… Il ne pouvait être ni courageux, ni raisonnable en ce qui la concernait.

L’image de Madelon se dressa alors pleine de reproches et de menaces, mais un brouillard épais vint obscurcir cette malencontreuse vision.

Sa vie entière se résumait dans ce moment solennel où, sur un banc grossier, il était assis à côté de la belle étrangère. L’univers tout entier était concentré pour lui dans cette allée sans feuilles où ils étaient tous les deux l’un près de l’autre.

« Oui, je pars seule, répliqua Mme Meynell avec un léger sourire. Qui aurais-je pour venir avec moi ? Je suis tout à fait seule en ce monde. Je pense que je ferai mieux d’aller prendre ces informations moi-même, monsieur Lenoble. Il n’a y aucune raison pour que je vous donne cet embarras.