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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

— Cela ne m’en donnera en aucune façon. Je vous apporterai tous les renseignements nécessaires aujourd’hui à l’heure du dîner, si cela est assez tôt.

— Tout à fait assez. Je vous remercie, monsieur, répondit-elle avec un soupir. J’ai à vous demander également d’avoir la bonté de vouloir bien vous informer de ce que coûtera le voyage.

— J’aurai soin de le faire, madame. »

Cette recommandation le conduisit à se demander si elle était pauvre et jusqu’à quel point elle pouvait l’être. Mais elle n’avait évidemment rien de plus à lui dire : elle était de nouveau impénétrable.

Il aurait bien voulu rester davantage, bien que l’honneur et la conscience réclamassent tout haut son départ.

Heureusement pour son honneur et sa conscience la dame resta muette comme la mort, froide comme un marbre, si bien que Lenoble n’eut rien de mieux à faire que de saluer et de s’en aller.

Il pensa à elle toute la journée. L’illusion de la pitié était finie. Il savait maintenant qu’il éprouvait pour cette Anglaise un amour tout à la fois insensé et coupable. Insensé, parce qu’il ignorait qui et quelle femme elle était ; coupable, puisqu’en s’abandonnant à cette passion il manquait à la parole donnée et faisait le désespoir de tous ceux qui l’aimaient.

« Non, non, non, se disait-il, je ne puis pas commettre cette basse et méchante action. Il faut que j’épouse Madelon. Toutes les espérances de ma mère et de mon père reposent sur ce mariage, et je les jetterais au vent, parce que la figure de cette étrangère m’a séduit !… Ah ! non, cela ne peut pas être. Et même alors que je serais disposé à faire le sacrifice de mon honneur, sais-je