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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

femme, C’était une hypothèse qui ne lui vint pas un moment à l’esprit. S’il y avait quelque honte au fond des choses, comme paraissait le faire supposer Mme Meynell, ce serait tant pis pour lui, puisqu’il était résolu à partager cette honte.

« Lorsque mon père et ma mère moururent, je vins dans le comté d’York pour vivre chez ma sœur qui était mariée. Je ne puis trouver de parole pour vous dire leur bonté pour moi. J’avais hérité de mon père d’un peu d’argent, j’en dépensai la plus grande partie à m’acheter de belles robes et à faire des cadeaux inutiles à ma sœur et à ses enfants. J’étais plus heureuse à la campagne que je ne l’avais été à Londres ; car je voyais plus de monde et ma vie me semblait plus gaie que dans la Cité. Un jour, je fis la connaissance d’un gentilhomme, frère d’un noble qui demeurait dans le voisinage de la maison de ma sœur. Nous nous rencontrâmes par hasard dans un champ dépendant de la ferme de mon beau-frère, où ce gentilhomme chassait. Il vint à la maison. Il avait connu autrefois ma sœur, et il vint sous le prétexte de renouveler connaissance avec elle. Il répéta fréquemment ses visites, et peu de temps après il me demanda si je voulais me marier avec lui. Je le lui promis. Ma sœur y consentait. Elle m’aimait si tendrement et était si fière de moi, qu’elle trouvait sa demande toute naturelle ; d’autant plus que M. Kingdon, le gentilhomme dont je parle, était un jeune cadet et pas riche. »

Elle s’arrêta de nouveau et attendit un peu avant de continuer son récit.

Gustave exprima sa sympathie en pressant la main tremblante qui reposait sur son bras.

« Je ne puis vous dire combien j’étais heureuse à