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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

Les lettres de Cydalise… même, pour tout dire, plus d’une lettre de sa mère, pour laquelle écrire une lettre était une grande affaire, avaient dans ces derniers temps marqué une grande inquiétude.

Dans moins d’un mois le contrat de mariage serait prêt, attendrait sa signature.

Chaque heure de retard rendait sa faute plus grave.

Il dit à sa femme qu’il avait besoin d’aller passer quelques jours chez ses parents : elle prépara les objets nécessaires pour son voyage avec une douceur et un soin qui lui parurent angéliques.

« Ma chère bonne amie, pourrais-je jamais reconnaître le bonheur que je te dois ? » s’exclamait-il pendant qu’il regardait sa svelte compagne allant et venant par la chambre, toute aux préparatifs de son départ.

Et alors il pensa à Madelon, si commune, si raide, et si lourde ; une véritable tournure d’écolière, massive de corps et d’esprit !

Il avait eu trop de générosité pour parler à Susan de son engagement, du brillant avenir qu’il sacrifiait par son mariage, ou du risque qu’il courait de se fâcher avec son père.

Mais, ce soir-là, en pensant à la stupidité, à la vulgarité de Madelon, il lui sembla que Susan avait été son sauveur en le préservant d’un sort affreux… telles qu’au temps de Persée et d’Héraclès des jeunes filles avaient été préservées des atteintes d’un monstre marin.

« Madelon n’est pas sans ressembler à une baleine, pensa-t-il. On dit que les baleines ont de la sagacité et un caractère aimable… Cydalise parlait sans cesse du bon sens et de l’amabilité de Madelon. Je suis sûr qu’il n’est pas plus difficile de croire aux qualités incompa-