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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

présent à quel point les enfants peuvent ressembler à des anges. Je ne savais pas combien sont vrais, profondément vrais, les anges de Raphaël et de Murillo. Tu connais le tableau de l’Assomption de Murillo, qui est au Louvre. Si tu peux te le rappeler, chère mère, tu n’as qu’à te représenter la figure de l’un des chérubins qui sont aux pieds de la Vierge et tu auras le portrait de mon fils. Il ouvre les yeux et me regarde pendant que je t’écris. Ah ! si lui et moi et ma Susan étions avec toi dans le petit salon de Beaubocage… ma sœur, Susan, toi, et moi, réunis autour du berceau de mon chéri !… Il est né dans la misère, mais sa naissance nous a rendus bien heureux ! »

Le sentiment exprimé par cette lettre n’était ni factice, ni passager.

Gustave eut pour cet enfant une invariable tendresse ; il n’était véritablement pas dans sa nature de changer.

Le cher petit était sa consolation dans ses chagrins, sa joie dans ses courts intervalles de prospérité.

Quand la bataille approcha de sa fin, quand il commença à se sentir vaincu, sa plus grande anxiété, ses inquiétudes incessantes étaient pour sa femme et son enfant.

Quant à Susan, la pensée d’être séparée de lui était un désespoir trop profond pour que les pleurs pussent la soulager.

Elle n’eût pas été femme si elle n’eût pas éprouvé pour son mari une affection plus qu’ordinaire.

Elle observait le changement que la maladie apportait sur sa mâle et franche physionomie, et peu à peu la terrible vérité devint évidente pour elle : l’heure était proche où il lui serait enlevé.