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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

« Tu dureras autant que moi, » dit-il avec un pâle sourire.

Il s’assit à la petite table, écarta les fioles de médecine, chercha une feuille de papier à lettre, et se mit à écrire.

Il écrivit à sa mère, il lui dit qu’il se sentait mourir, et que le moment était venu où il fallait qu’elle vînt au secours de l’enfant orphelin de son fils.

Dans cette lettre il en mit une pour son père, la lettre dont il avait parlé à sa femme et qu’il avait écrite dans les premiers jours de sa maladie.

Il adressa ce paquet à Mlle Lenoble, à Beaubocage.

Désormais le secret n’était plus nécessaire.

« Lorsque ces lettres seront remises, pensa-t-il, je ne craindrai plus le blâme et n’aurai que faire du pardon. »

Le lendemain matin il était mort.

Les voisins mirent la lettre à la poste ; ils consolèrent et soignèrent l’enfant pendant deux jours.

Puis, arriva une dame très-triste, très-peu bruyante, qui pleura amèrement dans la mansarde où gisait Gustave ; elle prit toutes les mesures nécessaires pour faire rendre les derniers devoirs au mort : elle commanda un enterrement modeste, mais non trop misérable.

« C’était mon frère, dit-elle aux bons voisins, ma mère et moi nous avons fait tout ce que nous avons pu pour lui venir en aide ; mais nous ne nous doutions pas de son dénûment. Le brave cœur a voulu nous épargner ce chagrin. »

Elle les remercia de la manière la plus affectueuse pour leur charité envers celui qui n’était plus, et elle suivit avec eux, à pied, le cercueil de son frère dans les étroites rues de la ville, jusqu’à sa dernière demeure.