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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

Jusqu’à ce que tout fût fini, la dame, âgée d’une trentaine d’années au plus, et qui, dans sa placide beauté, ressemblait à une religieuse, ne s’abandonna à aucun transport d’affection pour son neveu orphelin ; mais, lorsque les derniers devoirs eurent été accomplis, elle prit le petit sur ses genoux, le serra contre son sein, et simplement lui donna son cœur, comme longtemps auparavant elle l’avait donné à son père.

Cette bonne créature était de celles qui éprouvent le besoin d’avoir un autel sur lequel elles puissent offrir le sacrifice journalier d’elles-mêmes : elle se préoccupait maintenant des soins qu’elle donnerait à l’enfant et aussi à la veuve qu’elle pensait voir revenir d’un jour à l’autre.

Cydalise attendit à Rouen le retour de Susan, pendant plusieurs jours après les funérailles.

Elle avait heureusement une ancienne compagne de pension, confortablement établie dans cette ville : elle trouva chez elle un asile.

Personne, si ce n’est sa mère et cette amie, dans laquelle elle pouvait avoir confiance, ne sut rien de ce qui l’avait amenée à Rouen.

Pendant sept ans, le père n’avait pas prononcé le nom de son fils une seule fois, pas une seule fois.

Trois semaines après le départ de Susan pour l’Angleterre, Mlle Lenoble perdit tout espoir de la voir revenir.

Les voisins, eux aussi, n’y comptaient plus.

« Elle avait la mort peinte sur le visage lorsqu’elle est partie, dit la femme de l’ouvrier. Je lui ai dit qu’elle n’aurait pas la force de faire ce voyage, mais elle a voulu partir. Il n’y a pas eu moyen de l’en empêcher. Elle avait là-bas de riches amis qui pouvaient venir en