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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

— Le fils unique de ton fils Gustave, répondit doucement sa femme ; son fils orphelin. »

François Lenoble la regarda, puis ensuite l’enfant.

Il essaya de parler, il ne le put pas ; il fit un signe de tête, puis s’affaissa lourdement dans un fauteuil, en sanglotant tout haut.

Jusqu’à ce moment, nul ne l’avait jamais vu pleurer le fils qu’il avait chassé de sa maison, et, à ce qu’il semblait, chassé également de son affection.

Jamais un soupir n’avait trahi la profondeur de la blessure qu’il avait endurée silencieusement, obstinément pendant tant d’années.

Les deux femmes le laissèrent donner un libre cours à sa douleur, sans chercher à lui offrir de vaines consolations : elles restèrent debout, près de lui, le plaignant en silence.

Le petit garçon ouvrit de grands yeux étonnés, et enfin se glissa jusque dans les bras du père accablé.

« Pourquoi pleurez-vous, pauvre homme ? lui demanda-t-il ; vous n’avez pas perdu, comme moi, votre papa et votre maman ? Laissez-moi rester seul avec vous, je serai votre petit garçon, voulez-vous ?… Elle m’a dit de vous dire cela, ajouta-t-il en indiquant Cydalise. Je l’ai bien dit, n’est-ce pas ? demanda-t-il à celle-ci. Je crois que je vous aimerai parce que vous ressemblez à mon papa, bien que vous soyez plus vieux et plus laid, » conclut le petit avec une naïveté d’ange.

Le seigneur de Beaubocage fit un effort pour surmonter sa douleur.

Beaubocage !… Cotenoir !…

Ah ! combien ces deux noms, si magiques autrefois, lui parurent vains, insignifiants, aujourd’hui que la vie