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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

Je le voyais entouré d’une auréole de lumière, il m’embrassait et me pardonnait. »

Telle fut sa fin ; la fidèle épouse ne tarda pas à suivre son mari dans la tombe, et il n’y eut plus alors à Beaubocage qu’une placide vieille fille, Mlle Cydalise, adorée de tous, à dix lieues à la ronde ; une abbesse laïque, une sœur de charité, moins le costume, une exquise créature qui ne vivait que pour faire le bien.

Dix années s’écoulèrent, après lesquelles M. Lenoble de Cotenoir resta veuf, avec deux belles jeunes filles qui étaient en pension dans un couvent situé dans l’un des faubourgs de Vire, et un turbulent garçon au collège, à Rouen.

Gustave n’avait jamais entrepris aucune profession : la terre de Beaubocage lui avait assuré le nécessaire, grâce à la sagesse avec laquelle ce petit domaine avait été administré par ceux qui l’aimaient.

Son mariage lui avait procuré la fortune : il n’avait donc éprouvé aucun besoin d’avoir un état. Pour lui l’existence avait été préparée comme un parterre de fleurs hollandais.

Il n’avait qu’à jouir de la vie à Cotenoir, surveiller ses propriétés, fumer sa pipe, comme l’avait fait le baron Frehlter, être bon pour sa femme, affectueux pour ses enfants.

Cette dernière partie de ses devoirs était dans la nature de Lenoble ; il ne lui aurait pas été possible d’être autre chose que bienveillant pour les femmes et pour les enfants.

Sa femme, presque toujours malade, le citait comme le modèle des époux : c’était Gustave qui roulait son