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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

tendre, gai, il paraissait, aux yeux affaiblis de ses bienveillants parents, aussi parfait qu’un jeune Apollon, aussi courageux qu’Hercule.

Les choses que notre cœur aveugle a si passionnément désirées arrivent quelquefois alors que le désir a cessé d’exister.

Il en fut ainsi à l’égard de l’ambition de Lenoble ; il vécut assez longtemps pour voir les terres de Cotenoir et de Beaubocage réunies dans la personne de son petit-fils, qui épousa Clarisse, le seul enfant encore existant de M. et de Mme de Nérague.

Deux fils et une fille étaient nés à Cotenoir ; mais les fils moururent tout jeunes, et la fille elle-même, bien que regardée comme une plante florissante, dans ce pauvre et chétif, jardin, n’était qu’une très-fragile enfant.

Les deux vieillards de Beaubocage survécurent de quelques années au seigneur et à la châtelaine de Cotenoir ; ils survécurent également au fier lieutenant, qui fut tué en Algérie avant d’avoir obtenu les épaulettes de capitaine.

François vit, avant de mourir, son petit-fils établi à Cotenoir. Il expira la main dans celle de Gustave et, dans le trouble d’esprit de la dernière heure, il crut voir en lui le fils qu’il avait renié.

« Quelle est cette porte qui vient de se fermer ? demanda-t-il vivement à voix basse. Qui prétend que j’ai chassé mon fils… mon seul fils ?… cela est faux !… Je ne puis pas l’avoir fait !… Écoutez !… La porte se ferme encore… elle résonne comme une porte de tombeau. »

Après cela, il s’assoupit un peu, et se réveilla ensuite le sourire sur la figure.

« J’ai rêvé de ton père, Gustave, dit-il avec calme,