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Page:Braddon - L’Héritage de Charlotte, 1875, tome II.djvu/16

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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

effrayés de montrer leurs sombres visages en si brillante compagnie.

Si nous pardonnons tout à la vieillesse, nous devons d’autant mieux pardonner les offenses d’un ennemi qui s’éteint.

Qu’elle eût beaucoup souffert des duretés et de la négligence de son père, c’était un fait que Diana ne pouvait pas plus oublier qu’elle ne pouvait oublier le nom qu’il lui avait donné ; c’était une part de sa vie qu’elle ne pouvait ni retrancher, ni réduire à néant. Mais dans ces derniers jours, c’est de tout son cœur qu’elle lui pardonnait et qu’elle lui accordait sa pitié. Elle avait pitié de lui pour la mauvaise voie dans laquelle ses pas s’étaient égarés dès le début de sa vie et dont son âme faible n’avait pu trouver l’issue ; elle avait pitié de lui pour cet aveuglement moral qui ne lui avait pas permis d’avoir conscience de la profondeur de sa dégradation, comme un Lapon qui n’ayant jamais vu un été des pays orientaux, n’a pas conscience que son pays est sombre et plongé dans l’obscurité.

Heureusement pour Diana et son généreux adorateur que le capitaine n’était pas un pénitent rebelle : c’était un homme qui, ayant perdu le pouvoir et le besoin de pécher, acceptait très-doucement la pénitence, comme une espèce de luxe sentimental.

« Oui, ma chère, dit-il avec complaisance, car même à l’heure de la pénitence, il continuait à se regarder comme un martyr de la société, ma vie a été une vie très-dure. La fortune ne m’a pas été favorable. J’aurais été heureux si la Providence m’avait permis d’être un meilleur père pour vous, un meilleur mari pour votre pauvre mère, un meilleur chrétien, en somme, et si elle