Page:Braddon - L’Héritage de Charlotte, 1875, tome II.djvu/15

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
11
L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

leuses ou amusantes, sur leurs possesseurs passés et présents, à Lenoble qui consacrait une grande partie de son temps à prodiguer ses attentions au malade.

Tout ce que l’affection peut inspirer était fait pour adoucir ce cruel moment au pauvre Ulysse fatigué : des livres amusants lui étaient lus, de sérieuses pensées lui étaient suggérées par de sérieuses paroles, des fleurs rares ornaient son salon, de beaux fruits venus en serre chaude réjouissaient ses yeux et invitaient ses lèvres desséchées à se rafraîchir.

Gustave avait fait apporter un piano pour que Diana pût chanter à son père les morceaux qu’il avait le désir d’entendre.

La pitié veillait avec une attention si tendre et si dévouée, sur les moindres pas de ce vieillard égoïste et pervers, qu’on pouvait la prendre pour de l’amour.

Était-il bien que ses derniers jours fussent si paisibles et entourés de tant de luxe, quand tant d’hommes de bien tombent dans la rue pour y mourir, épuisés par le long effort d’une vie employée à porter le lourd fardeau qui pesait sur leurs épaules ?

D’après les traditions des rabbins, il est écrit que ceux-là sont les élus de Dieu qui subissent le châtiment pendant la vie. Pour les autres, pour ceux qui épuisent sur la terre la coupe du plaisir et savourent toutes les joies du péché, pour ceux-là la terrible rétribution vient après la mort.

Notre foi chrétienne ne connaît pas ces horreurs. Même pour celui qui se repent à la onzième heure il y a promesse de pardon.

Le plus ardent désir de Diana était que son père pût s’enrôler parmi ces tardifs pénitents, ceux qui arrivent les derniers des derniers aux fêtes du mariage, à demi