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Page:Braddon - L’Héritage de Charlotte, 1875, tome II.djvu/18

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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

talents que vous me lisiez l’autre jour est une leçon morale que votre mari ne doit pas oublier. »

D’après les discours du malade, Gustave et Diana s’apercevaient qu’il espérait encore partager leur existence future, qu’il songeait encore à passer quelques jours agréables dans ce monde qu’il avait eu la folie de trop aimer : ils ne trouvaient pas dans leurs cœurs la force de lui dire que son voyage terrestre touchait à son terme et qu’arrivé sur le seuil de cette demeure paisible qu’il avait mis tant d’art et de diplomatie à s’assurer, il fallait abandonner la course fatigante de la vie.

Ils encourageaient un peu son espoir, afin de le gagner plus aisément aux pensées sérieuses, mais quoique par moments il semblât prêt à s’abandonner aux idées de contrition avec une certaine apathie, il y en avait d’autres où le vieil homme reparaissait et où le capitaine se révoltait devant ces sujets sérieux, comme s’il y voyait une sorte d’impertinence.

« Il me semble que je touche à mon dernier soupir, Diana, dit-il avec dignité dans une de ces occasions, et que j’aie besoin que ma fille me parle comme si j’étais au lit de mort. Je puis vous montrer des hommes, mes aînés de plusieurs années, qui conduisent eux-mêmes leur phaéton dans le Parc. L’Évangile est fort bien à sa place, pendant l’office du dimanche matin, ou après les prières du matin, dans nos vieilles familles des comtés, où les gens de la maison sont si nombreux qu’on peut réunir une foule aussi compacte que dans une foire de campagne, à l’extrémité de la salle à manger, sans y admettre les lourds garçons d’écurie qui exhalent une forte odeur de fumier. Mais je considère que lorsque un homme est malade, il y a un manque de tact consi-