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Page:Braddon - L’Héritage de Charlotte, 1875, tome II.djvu/270

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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

Pour Nancy, les figurines de Chelsea, les porcelaines de Dresde et les vieilles gravures d’Albert Durer n’étaient autre chose que les innocentes folies du maître de la maison, dont elle ménageait la bourse avec une aussi fidèle économie qu’elle l’avait fait pour l’ancien maître dont elle gardait un si cruel souvenir.

On peut voir par là que Haukehurst avec une femme, une belle-mère et une vieille et fidèle servante, ne pouvait pas manquer d’être bien soigné, un peu gâté peut-être, par excès d’amour, mais à l’abri des tentations auxquelles un auteur célibataire est supposé être exposé, quand il travaille seul dans un solitaire logement du Temple.

Pour lui les jours se passaient dans l’agréable monotonie d’un travail constant qui lui était rendu plus léger par la pensée de ceux pour lesquels il travaillait, et par l’espoir d’arriver à se faire un nom. Il n’était plus un fabricant de livres : il avait écrit un ouvrage dont les produits avaient servi à meubler sa villa de Wimbledon ; il était occupé à écrire un second ouvrage destiné à pourvoir aux frais de sa maison ; il avait assuré sa vie pour une somme assez considérable, et il s’était montré en toutes choses d’une prudence et d’une sagesse presque méticuleuses. Mais il avait laissé périmer les assurances faites par Sheldon sur la vie de Charlotte ; Valentin n’aurait pas voulu d’un argent dont une tête aussi chère aurait été l’enjeu.

Le cheval de selle que Charlotte aurait désiré pour son mari, la bibliothèque dont elle avait si souvent établi le catalogue, étaient encore parmi les joies de l’avenir, mais la vie perd la moitié de son charme, quand on n’a plus de désirs qui n’aient été satisfaits, et le cheval que Haukehurst devait monter plus tard, la