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Page:Braddon - L’Héritage de Charlotte, 1875, tome II.djvu/271

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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

belle bibliothèque qu’il se monterait étaient le sujet favori des conversations de Charlotte, quand elle se promenait avec son mari sur les hauteurs de Wimbledon, quand sa journée de travail était terminée.

Ces promenades du soir étaient les heureuses fêtes de sa vie.

Il racontait tout à sa femme : ses rêves littéraires, l’idée encore dans le brouillard d’un livre à écrire, ses nouvelles découvertes dans le royaume sans bornes des livres. Son enthousiasme, son culte des héros, dont il portait l’un au pinacle pendant qu’il démolissait l’autre, le plaisir peu chrétien qu’il avait pris à lapider le pauvre Jones dans sa Revue du samedi, ou à écorcher vif Robinson dans le Bond Street, en un mot, toutes ses questions de boutique ne lassaient jamais l’excellente Charlotte.

Elle l’écoutait toujours avec ravissement et sympathie ; elle admirait ses favoris, elle accueillait ses amis et ses compagnons de travail avec une douceur qui ne se démentait jamais ; elle méditait l’organisation d’un fumoir qui serait un vrai paradis, un alhambra en miniature, et un visage maussade et renfrogné était chose inconnue dans la demeure de Haukehurst.

Une femme si douce, un intérieur si charmant, popularisaient l’institution du mariage parmi les jeunes célibataires amis de son mari, et cet être, si maltraité et si calomnié qu’on nomme une belle-mère, était presque réhabilité par la bonne nature de Mme Sheldon, et son dévouement évident aux intérêts du mari de sa fille.

Après toutes les recherches faites dans les archives poudreuses du passé, après les investigations patientes pour retrouver les empreintes laissées sur le sable par les pas de Matthieu Haygarth, voilà quel était l’héri-