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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

me fassiez la leçon, Nancy, au sujet de l’altération des traits ou de la maladie de Mlle Halliday. Je n’y suis pour rien.

— Comment pourrais-je penser que vous y fussiez pour quelque chose, monsieur ? Ne soyez pas irrité contre moi, ne me parlez pas durement. Je vous ai soigné quand vous étiez un tout petit enfant et vous m’êtes plus cher que ne pourrait l’être tout autre maître. Mais, je n’ai qu’à fermer les yeux, encore maintenant, pour sentir sur mon cou votre petite main si douce et si chère qui avait coutume de s’y reposer. Et quand ensuite je regarde sur la table cette main qui est là si forte, si brune, et si fermement serrée, je me demande s’il est possible que ce soit la même. En mémoire de ce temps, monsieur Philippe, ne soyez pas dur pour moi. Il n’est rien que je ne serais prête à faire pour vous servir. Quoi que vous fassiez, rien ne pourrait me tourner contre vous. Il n’y a pas d’homme au monde qui ne devrait être heureux de connaître une personne que rien ne pourrait détacher de lui.

— Ce sont de beaux sentiments, ma bonne âme, répliqua Sheldon froidement, mais dont l’expression n’est guère à sa place ; dans les circonstances présentes, rien ne justifie l’exposition de ces beaux sentiments. Il se trouve que vous avez besoin d’un asile dans votre vieillesse et que je suis en position de vous l’offrir. Dans ces circonstances, votre bon sens devrait vous faire comprendre que ces protestations d’attachement inébranlable à ma personne sont absolument inutiles. »

La vieille femme soupira profondément : elle avait offert à son maître une fidélité qui impliquait l’abnégation de toutes les impulsions de son cœur et de son esprit et il avait repoussé son amour et ses services.