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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

Mais après le premier sentiment pénible que lui avait fait éprouver sa froideur, elle préféra qu’il en eût été ainsi.

L’homme qui lui parlait avec cette dureté inflexible ne devait pas avoir sujet de la craindre ; dans l’esprit de cet homme il ne devait pas y avoir de coin secret qu’elle n’eût pas à peu près pénétré.

« Je ne vous ennuierai plus, monsieur, dit-elle tristement, je dois avouer que je suis une sotte vieille femme.

— En effet, Nancy, vous n’êtes pas devenue plus sage en vieillissant, et quand vous donnez carrière à votre langue, vous êtes exposée à dire des absurdités. Plus vous tiendrez votre langue et mieux cela vaudra pour vous sous plus d’un rapport. Contre une vieille femme qui se rend utile dans la maison, je n’ai rien à dire, mais une vieille femme bavarde, je n’en veux à aucun prix. »

Après cela tout se termina de la manière la plus agréable ; le voyage de Nancy à Hastings fut complètement arrangé, et le lendemain matin, de bonne heure, elle partit vaillante et active en dépit de ses soixante-huit ans.

Elle revint à la nuit ayant retenu un agréable logement dans le village de Barrow.

« C’est un endroit charmant, ma chère demoiselle, dit-elle à Charlotte le lendemain quand elle lui raconta ses aventures. Les appartements dépendent d’une ferme ayant la vue sur la mer. Vous aurez l’odeur des vaches sous vos fenêtres et la brise de la mer qui souffle dans la cour de la ferme ; tout cela ne peut manquer de ramener les couleurs sur vos joues et l’éclat brillant de vos jolis yeux. »