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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

Bayswater était brillant et égayé par une société élégante, et Mme Sheldon s’était trouvée assez forte pour aller faire une promenade en voiture au Parc, où la contemplation des chapeaux lui procurait un plaisir toujours nouveau.

« Je pense qu’ils sont encore plus petits qu’ils ne l’ont été de l’année, » faisait-elle observer à chaque saison.

Chaque saison, en effet, les coiffures semblent diminuer ; plus elles sont petites, plus elles sont belles ; les capotes de cabriolet de nos grand’mères ne sont pas encore réduites à une bande large comme un bracelet et à un bouton de rose, mais elles y marchent à grands pas.

Charlotte et Diana accompagnaient Mme Sheldon dans sa promenade en voiture : le plaisir que lui procurait la contemplation des chapeaux n’était pas complet si elle n’avait pas quelqu’un avec elle pour le partager.

Les deux jeunes filles étaient ravies de se mêler à cette foule brillante et de retourner chez elles quand l’heure sacramentelle était venue, et cette fantasmagorie de couleurs et de beautés mêlait son éclat à leur vie solitaire.

Néanmoins, depuis peu, Charlotte semblait fatiguée de cet éblouissant spectacle et du diorama toujours splendide du West End ; elle ne poussait plus d’exclamations à chaque toilette excentrique ; elle ne souriait plus avec admiration quand les chevaux rongeaient leurs mors dans le voisinage immédiat de son chapeau ; elle ne poussait plus de petits cris de joie quand les grands drags descendaient lentement au milieu de la foule des équipages éclairés par le soleil cou-