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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

chant, tandis que le cocher, dans toute sa splendeur, se tient grave et tranquille sur son siège avec un orgueil qui singe l’humilité.

« Voyez, Charlotte, dit Mlle Paget, comme un de ces brillants équipages passait près du landau de Mme Sheldon, encore un drag… Ne l’avez-vous pas vu ?

— Si, ma chère, je l’ai vu.

— Êtes-vous donc lasse des équipages à quatre chevaux ?… Vous qui les admiriez tant d’habitude

— Je les admire toujours autant, chère.

— Et pourtant c’est à peine si vous avez donné un coup d’œil à ces splendides chevaux rouans.

— C’est vrai, dit Charlotte avec un soupir.

— Êtes-vous fatiguée, Charlotte ? » demanda Mlle Paget avec inquiétude.

Il y avait depuis peu, dans les manières de Charlotte, quelque chose qui lui avait inspiré un vague sentiment de crainte, un changement qu’elle pouvait à peine définir, un changement si graduellement opéré, qu’il n’y avait qu’en comparant son état actuel avec ce qu’il était quelques mois auparavant, qu’il était possible de s’apercevoir combien ce changement était réel.

La pétulance et la vivacité juvénile de Mlle Halliday faisaient rapidement place à un état habituel d’insouciance.

« Êtes-vous fatiguée, ma chérie ? répéta Diana avec anxiété pendant que Mme Sheldon se retournait pour continuer sa contemplation des chapeaux.

— Non, Diana, je ne suis pas fatiguée, mais je ne me sens pas bien cette après-midi. »

Ce fut le premier aveu fait par Charlotte de la sensation de faiblesse et de langueur qui s’était emparée d’elle depuis deux mois, si lentement, si graduellement