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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

et y avait vu l’indice d’une anxiété croissante : elle savait qu’il avait quelque connaissance médicale, s’il ne jugeait pas convenable de s’en prévaloir, il devait, par conséquent, être un meilleur juge de l’état de la santé de Charlotte que des observateurs complétement ignorants : s’il était inquiet, c’est qu’il y avait une cause réelle d’inquiétude. C’est pour cela, et pour cela seulement que Diana l’épiait.

« Il doit l’aimer plus que je ne l’aurais cru capable d’aimer qui que ce soit, se dit Mlle Paget, chère fille !… les cœurs les plus froids sont touchés par son aimable nature ! »

Sheldon leva les yeux à l’entrée de Valentin et salua son visiteur d’un mouvement de tête amical.

« Enchanté de vous voir, Haukehurst, dit-il. Semper fidelis, toujours le modèle des amants dévoués. Mais, quel air de tristesse !

— Je n’ai, je pense, que trop sujet d’avoir l’air triste, répondit gravement Valentin. J’ai vu Charlotte.

— oui, et ne trouvez-vous pas qu’il y a du mieux ? un mieux graduel, comme de raison… Ces sortes de langueurs constitutionnelles ne se secouent pas en un clin d’œil. Mais certainement vous la trouvez mieux, plus brillante…

— Oui, brillante de cet éclat qui n’appartient plus à la terre. Que Dieu me vienne en aide ! Je… je suis un peu enfant… le plus grand des lâches… le… »

Il fit un grand effort et parvint à dominer le sanglot qui allait étouffer sa voix.

« Monsieur Sheldon, continua-t-il tranquillement, je crois votre belle-fille mourante…

— Mourante ! Grand Dieu ! mon cher Haukehurst, cette alarme est bien… bien prématurée. Il n’y a pas