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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

— Il ne serait pas convenable… répéta Valentin avec véhémence. Pensez-vous que je vais faire le pointilleux et m’arrêter à considérer ce qui convient ou ce qui ne convient pas ?

— Avant tout il faut éviter d’alarmer Charlotte, insista Diana.

— Croyez-vous que je ne le sache pas ? croyez-vous que je ne le sentais pas tout à l’heure, quand, assis auprès d’elle, je lui débitais des billevesées à propos de livres, de tableaux, et de pièces de théâtres, pendant que chaque regard furtif que je jetais sur son visage était comme un coup de poignard qui m’entrait dans le cœur ? Je ne l’alarmerai pas ; je consulterai M. Sheldon, je ferai tout, tout pour la sauver. Pour la sauver !… Oh ! mon Dieu, en sommes-nous arrivés là ? »

Il devint plus calme sous l’influence de Diana, et il rentra lentement à la maison.

Il avait évité de passer devant la fenêtre ouverte près de laquelle était assise Charlotte ; il ne s’était pas encore préparé à rencontrer ses regards interrogateurs.

Il se rendit dans la pièce où l’on devait dîner, une pièce plus sombre et plus triste que le salon, et là il trouva Sheldon lisant un journal, une de ces éternelles feuilles traitant des fluctuations du marché des valeurs.

Le spéculateur n’avait fait qu’entrer et sortir de la maison toute la journée, tantôt allant faire un tour sur le rivage, tantôt restant appuyé contre la grille du jardin, méditatif et silencieux comme la vache qui regardait Charlotte, tantôt se promenant dans les allées du jardin, les mains dans ses poches et la tête inclinée sur sa poitrine.

Diana qui, dans son inquiétude, surveillait tous les mouvements de Sheldon, avait remarqué son agitation