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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

Sheldon réfléchit un moment avant de répondre, il projeta en avant sa lèvre inférieure, contracta ses sourcils avec cet air de profonde méditation qu’il aurait pris s’il eût été consulté sur les mérites relatifs d’une première ou d’une seconde émission d’obligations d’une compagnie de chemin de fer d’une solvabilité douteuse.

« Vous m’adressez là une question embarrassante, Haukehurst, dit-il enfin, si vous me demandez simplement si je suis satisfait du tour qu’a pris la maladie de Charlotte depuis quelques semaines, je vous répondrai franchement que je n’en suis pas content du tout. Il y a un manque de ton persistant, un affaiblissement visible des forces vitales qui, je le confesse, m’a causé quelque inquiétude. Voyez-vous, le fait positif est que nous sommes en présence d’une faiblesse radicale de constitution qui, comme Mlle Paget elle-même, jeune personne très-perspicace et très-intelligente, l’a fort bien observé, est une faiblesse de constitution héréditaire, contre laquelle la médecine est parfois impuissante. Vous n’avez pas à craindre une négligence de ma part, Haukehurst, tout ce qui est possible sera fait. Les prescriptions du docteur Doddleson sont fidèlement observées et…

— Mais ce docteur Doddleson est-il de force à lutter contre la maladie ? demanda Valentin. Je ne l’ai jamais entendu citer comme un bien grand homme.

— C’est ce qui prouve que vous n’entendez rien à la profession médicale.

— Je n’y entends rien en effet. Jamais de ma vie je n’ai eu besoin d’avoir recours aux médecins. Et vous pensez que ce docteur Doddleson est véritablement habile ?

— La position qu’il occupe est une réponse suffisante à votre question.