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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

— Je puis me rendre à Saint-Léonard, si c’est là ce que vous voulez dire, répondit vivement Mlle Paget. Je pense qu’on peut se procurer une voiture ; dans le cas contraire, je puis faire la course à pied ; quelques milles à faire soit le jour, soit la nuit, ne m’effraient pas. S’il survenait un changement, Valentin, ce dont Dieu nous préserve, je vous en avertirais par un télégramme.

— Vous ferez bien de l’adresser à mon cercle ; c’est un point plus central que mon logement, et plus rapproché de l’embarcadère. J’y passerai deux ou trois fois dans le courant de la journée,

— Vous pouvez compter sur ma vigilance, Valentin. Je ne croyais pas qu’il fût dans ma nature d’aimer personne comme j’aime Charlotte. »

Les lettres de Gustave, restées sur la table sans qu’elle y eût répondu, témoignaient de la nature absorbante de l’affection qu’elle portait à la jeune malade, et qui lui faisait regarder tout autre amour comme sacrilège.

Elle prolongea sa veille fort tard pour répondre à la dernière lettre de Gustave qui exprimait ses plaintes douloureuses :

« Vous m’avez oublié. Oh ! que j’ai été insensé de me fier à votre amour ! Ne suis-je pas vieux et grisonnant comparé à tant de jeunesse, de fraîcheur, moi, un vénérable radoteur de trente-cinq ans. Qu’ai-je à aller rêver amour et mariage ? Fi ! je m’humilie dans la poussière devant vos pieds mignons, et je vous invite à me fouler d’un pied cruel. Mais, si vous ne répondez pas à mes lettres, je viendrai à Barrow. Je braverai ce terrible Sheldon, un bataillon de Shel-