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LA FEMME DU DOCTEUR.

seigneur allait-il défaire toute l’œuvre de ces deux mois ? Assurément non. Le rencontrer encore une fois, entendre sa voix, sentir la robuste étreinte de sa main, — quelle joie profonde ! Mais que résulterait-il de bon d’une telle entrevue ? Elle ne pouvait plus avoir confiance en lui. Ce ne serait qu’une peine nouvelle, qu’une angoisse inutile. De plus, n’y avait-il pas quelque gloire, quelque charme à essayer de la vertu ? Elle se regardait comme une Louise de La Vallière debout derrière la grille d’un couvent, tandis qu’un roi, Louis le Grand, suppliait et menaçait de l’autre côté des barreaux de fer.

Des pensées de ce genre la soutinrent pendant tout le temps du service. Le sermon était terminé ; la bénédiction avait été prononcée ; l’assemblée commença à s’éloigner lentement et tranquillement. S’éloignerait-il alors ? S’arrêterait-il pour la rencontrer et lui parler ? Partirait-il immédiatement ? Il hésitait et la regardait avec une expression suppliante sur son visage bouleversé. Il se leva, comme s’il attendait qu’elle quittât son banc pour quitter le sien au même moment. Mais elle ne bougea pas. Ah ! si Louise de La Vallière avait souffert autant que cela ! Elle ne s’étonnait plus qu’elle fût célèbre à jamais dans l’histoire sentimentale.

Petit à petit l’assemblée sortit de l’église. Les enfants de l’asile quittèrent leur place voisine des orgues et descendirent bruyamment les escaliers. Roland restait toujours debout, attendant et regardant Isabel dans son banc au-dessous de lui. Mais Isabel gardait sa place, rigide et inflexible, jusqu’à ce que l’église fût absolument déserte.

Alors Roland lui jeta un regard, un seul regard,