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DU SERPENT.

un plaisir dans ses affaires, il trouve le moyen de faire celles-ci comme d’habitude sans en avoir l’air, tout en se divertissant ; » aussi écoutai-je. La voix que j’entendis d’abord était une voix d’homme, et quoique l’endroit fût une espèce d’étable, fréquentée seulement par des mariniers ou des individus de cette classe, cette voix-là était celle d’un gentleman. Je ne puis dire si j’ai prêté jamais beaucoup d’attention moi-même à la grammaire, quoique je ne doute pas que ce ne soit chose fort agréable et très-amusante de la posséder ; mais, malgré tout, j’ai assez roulé dans le monde pour distinguer la manière de parler d’un gentleman de celle d’un marinier, aussi bien que je ferais la différence du son d’un accordéon de celui d’un autre instrument. C’était une voix claire, au timbre doux et tout à fait mélodieuse et agréable ; mais elle faisait entendre les mots les plus cruels et les plus durs qui aient jamais été adressés à une femme par un être assez hardi pour s’appeler un homme. Vous n’êtes pas trop bon, mon ami, me dis-je, avec vos mots lardés de pointes et vos froides railleries, qui que vous soyez. Vous êtes un homme bien élevé, avec vos cheveux blonds et vos mains blanches, quoique je ne vous aie jamais vu, et vous ne me paraissez pas très-éloigné de vouloir faire un mauvais coup. Bientôt, comme je faisais ces réflexions, il dit quelque chose qui fit monter le sang à mon visage et le