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LA TRACE

il était ; elle croyait qu’il l’avait abandonnée, et elle se mit à boire. Elle et moi, nous vous jetâmes dans la rivière, un jour que nous étions ivres-folles et que nous étions ennuyées de vos criailleries. Elle mourut, ne me demandez pas comment, je vous ai déjà dit de ne pas me demander comment ma fille est morte ; je n’ai pas besoin de cette question pour me rendre folle. Elle mourut, et je gardai le secret. Pendant longtemps, ce fut une source d’or pour moi, et il avait coutume de m’envoyer régulièrement de l’argent pour le tenir caché ; mais, tout à coup, l’argent cessa d’arriver ; je devins furieuse, mais je gardai toujours le secret, parce que, voyez-vous, il n’est plus rien quand il est divulgué, et il n’y avait personne d’assez riche pour me le payer si je le lui confiais. Je ne savais où trouver le marquis ; je savais seulement qu’il était quelque part en France.

— En France ? s’écria Raymond.

— Mais oui, ne vous l’ai-je pas dit, en France ; c’était un marquis français. Un réfugié, comme on l’appelait quand il fit connaissance de ma fille, un professeur de français et de mathématiques.

— Et son nom, son nom ? demande vivement Raymond. Son nom, femme, si vous ne voulez me rendre fou.

— Il se donnait le nom de Smith, quand il était professeur, mon chéri, dit la vieille avec un hor-