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DU SERPENT.

tère de dignité ou de charme aux yeux de Jane, Élisa, Susanne et Sarah, ou vice versa. Bah ! ce n’est pas Mokannah qui porte le voile d’argent, c’est nous qui sommes épris de Mokannah, qui le revêtons de l’étoffe brillante qui le cache à nos yeux, et qui, en regardant ce gentleman à travers l’intermédiaire éclatant et éblouissant, persistons à le croire bel homme, jusqu’au moment où quelqu’un arrache le voile, et où nous tombons sur le pauvre Mokannah et le maltraitons, parce qu’il n’est pas ce que notre imagination en avait fait. Il est vraiment pénible pour Tom Jones, le fumeur, le buveur de bière, le joueur aux cartes, le tapageur, que Sophie veuille s’obstiner à l’élever au rang d’un dieu, et s’irrite ensuite contre lui parce qu’il est Tom Jones, le buveur passionné d’ale amère et le fumeur de mauvais tabac. Mais, advienne que pourra, le gentleman aux membres roses doit s’amuser, et j’ose affirmer que ses yeux sont assez clairvoyants derrière le bandeau qui les couvre, pour apercevoir les fous qui composent notre monde plein de sagesse.

« Vous pourriez donc avoir confiance en moi, Isabelle, dit Richard, vous pourriez avoir confiance en moi, malgré tout… malgré les égarements de ma jeunesse, et la flétrissure qui souille mon nom ?

— N’avons-nous pas confiance en vous, monsieur