Page:Braddon - La Trace du serpent, 1864, tome II.djvu/234

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
228
LA TRACE

Vous me prédîtes la mort de l’homme que j’avais l’intention de tuer ; vous en inspirâtes l’idée à mon cerveau dérangé, vous mîtes l’arme dans ma coupable main ; et, pendant que j’endurais toutes les tortures que le ciel inflige à ceux qui méconnaissent ses lois, vous étiez libre. Non, monsieur, vous ne resterez pas libre. Joignez-vous à moi pour accuser cet homme, aidez-moi pour le traîner devant la justice ; ou, par le ciel qui nous éclaire, par le sang qui anime mon cœur brisé, par la vie de mon unique enfant, je jure de vous accuser. Gaston de Lancy ne doit pas rester sans être vengé par la femme qui l’a aimé et qui l’a tué. »

Le nom de l’homme qu’elle a si tendrement et si passionnément aimé a sur elle une puissance que ne saurait avoir nul autre souvenir sur terre, et elle éclate en un torrent de larmes brûlantes.

Laurent Blurosset considère silencieusement cette explosion de douleur ; peut-être l’étudie-t-il comme un homme de science, et peut-il calculer combien de temps elle durera.

L’officier de l’armée des Indes, dans l’ombre du vestibule, est plus impressionné que le chimiste philosophe, car il tombe à genoux sur le seuil de la porte et cache dans ses mains son visage pâle.

Il y eut un silence de cinq minutes à peu près. Un silence qui parut terrible, n’étant interrompu que par les sanglots déchirants de cette femme dés-