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DU SERPENT.

espérée. À la fin, Laurent Blurosset prend la parole ; il parle d’un ton qu’elle n’a jamais entendu auparavant, et qui n’a jamais été ouï peut-être de personne ; un ton si extraordinaire pour lui et si en dehors de ses habitudes, qu’il est, en quelque sorte, transformé en un homme nouveau.

« Vous dites, madame, que je suis le complice de cet homme. Mais, qu’en savez-vous ? ne pouvez-vous supposer qu’il n’a pas daigné condescendre à me prendre pour complice ? que ce gentleman, qui, devant tous ses succès dans la vie à sa scélératesse seule sans secours étranger, ait eu une confiance considérable dans ses propres talents, et ne m’ait pas jugé digne de l’honneur d’être son complice ?

— Comment, monsieur ?

— Non, madame, Laurent Blurosset n’était pas un homme assez habile pour que le brillant aventurier parisien, Raymond de Marolles, le prît comme son collaborateur. Non, Laurent Blurosset était purement un philosophe, un physiologiste, un rêveur, un être tant soit peu fou, et seulement un misérable jouet dans les mains de l’homme du monde, du chevalier de fortune, de l’impudent et audacieux Anglais.

— Un Anglais ?

— Oui, madame, c’est un des secrets de votre mari ; il est Anglais. Je n’étais pas assez habile pour être le complice de M. de Marolles ; je ne l’étais pas trop, dans son opinion, pour devenir sa dupe.