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LA TRACE

— Sa dupe ?

— Oui, madame, son mépris pour le savant était extrême ; j’étais un automate utile, rien de plus. Le chimiste, la physiologie, l’homme dont la tête avait grisonné à la poursuite de la science d’induction, dont les nuits et les jours avaient été consacrés à l’étude des grandes lois de la cause et de l’effet, était dans les mains de ce chevalier de fortune un jouet, aussi peu capable d’approfondir ses motifs, que la poupée de bois l’est de deviner ceux du bateleur qui tire les ficelles qui la font danser. Ainsi pensait Raymond de Marolles, l’aventurier, le coureur de fortunes, le voleur, l’assassin.

— Quoi, monsieur, vous le connaissez donc ?

— Jusques dans les replis les plus noirs de son cœur, madame. Vraiment la science serait un mensonge, la sagesse une chimère, si je n’avais lu à travers le masque superficiel de ce bas et fastueux aventurier, aussi bien que je puis lire les mots écrits dans les livres que voilà, à travers la mince apparence de caractères étrangers. Moi, sa dupe, comme il le croyait, moi, le savant fou dont les travaux le faisaient rire, même pendant qu’il cherchait à profiter de leur secours, je riais de lui, à mon tour, je lisais tous ses projets et je l’ai laissé rire et mentir, jusqu’au jour où il me plaira de lever le masque et de lui dire : « Raymond de Marolles, charlatan ! menteur ! fou ! dupe ! dans le combat entre la sagesse