Page:Braddon - La Trace du serpent, 1864, tome II.djvu/256

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
250
LA TRACE

liez être assez aimable pour vous garder de la poser sur moi, vous m’obligeriez, réellement, vous m’obligeriez. Quoique cependant, dit le marquis philosophiquement en s’adressant au Marc Antoine, comme s’il eût voulu s’éclairer des lumières de ce Romain, pourquoi nous éloignerions-nous d’un coquin parce qu’il est un coquin, je n’en vois pas la raison. Nous pourrions nous éloigner de lui s’il était sale ou grossier, ou s’il mettait son couteau dans sa bouche, ou s’il prenait deux fois du potage, ou portait des habits mal faits, parce que ces choses sont ennuyeuses ; mais s’éloigner de lui parce qu’il est menteur, hypocrite ou lâche, c’est parfaitement absurde ! Je disais donc que je consentis à ce mariage sans faire de questions inutiles ou malséantes, mais en me résignant à la force des circonstances. Pendant quelques années les affaires paraissaient marcher très-bien, quand tout à coup je suis mis en émoi par une lettre très-alarmante de ma nièce. Elle me supplie de venir en Angleterre ; elle est seule, sans un ami, sans un conseiller et elle est déterminée à tout révéler.

— Tout révéler ! »

Raymond ne peut réprimer un tressaillement. Le sang-froid du marquis l’a complètement déçu, lui dont l’arme capitale était ce même sang-froid.

« Eh bien, que se passe-t-il alors ? Vous, sachant que cette lettre a été écrite, ou bien devinant qu’elle