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DU SERPENT.

débrouiller le mystère. Je me dis : « Qu’aurais-je fait si la fatalité avait été assez mesquine et assez misérable pour me jeter dans la position de ce jeune homme ? » Mais naturellement j’aurais cherché quelque femme assez sotte pour se laisser tromper par cette infâme plaisanterie autorisée de vieille date, si utile aux romanciers et aux théâtres de mélodrames, que l’on appelle l’amour. Maintenant, ma nièce n’est pas une sotte. Ergo, elle n’était pas amoureuse de vous. Vous aviez alors acquis quelque autre genre de pouvoir sur elle. Lequel ? Je ne le demandai pas, je ne le demande pas aujourd’hui. Il suffisait qu’il y eût nécessité pour elle, pour moi, que ce mariage s’accomplît. Elle me le jura sur le crucifix. Je suis voltairien, mais, pauvre fille, elle tient ce genre d’idées de sa mère ; aussi n’avais-je rien de mieux à faire que de consentir au mariage et d’accepter un gentilhomme d’une généalogie douteuse !

— Peut-être pas si douteuse.

— Peut-être pas si douteuse ! Votre lèvre supérieure s’est relevée d’un air de triomphe, mon cher neveu. Papa s’est-il retrouvé dernièrement ?

— Peut-être. Je pense que je pourrai bientôt mettre la main sur lui. »

En disant ces mots, il pose une main délicate et effilée sur l’épaule du marquis.

« Sans doute ; mais si en même temps vous vou-