Page:Braddon - La Trace du serpent, 1864, tome II.djvu/288

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
282
LA TRACE

la table est un vrai champ de bataille de Crécy ou de Waterloo, couvert de bouteilles vides en guise d’hommes morts ; main basse ayant évidemment été faite sur la cave bien garnie de M. Hemmar. D’après les verres et les cuillères qui sont devant chaque invité, il est évident cependant que les joyeux convives ont suivi l’exemple du célèbre héros de M. Augustus Sala, et qu’après avoir essayé une variété de vins étrangers sont revenus au grog pur et simple. La qualité particulière et paradoxale des vins naturels qu’on leur a servis n’a produit qu’un effet complètement assoupissant sur ceux qui les ont bus ; il y a certainement une lassitude dans le cerveau, une lourdeur et un embarras dans la parole, et une excitation exagérée et inconvenante d’emphase dans les gestes des amis du boxeur qui sont complètement en désaccord avec l’idée ordinaire que nous nous faisons du mot naturels. Mais pourquoi leur chercher querelle à ce sujet ? Ils sont inoffensifs et heureux. Il n’y a sûrement pas de crime à voir deux becs de gaz là où l’œil, dans son état normal, n’en aperçoit qu’un ; il n’est pas plus criminel d’essayer cinq fois de suite de prononcer les deux mots : slightest misunderstanding et d’échouer honteusement à chaque tentative. À tout considérer, ce doit être un sentiment affectueux qui inspire subitement à une personne une amitié folle et presque passionnée pour un individu qu’elle n’a