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DU SERPENT.

valeresque Walter Raleigh, du héros qui a découvert la Nouvelle-Guinée ; du rebelle audacieux, de l’adorateur passionné de filles d’honneur ; de l’importateur de la plus grande rivale qu’eût jamais eue femme dans les affections d’un homme, de cette dixième Muse, de cette quatrième Grâce, de cette sainte non canonisée, la feuille de tabac. Vous êtes fâchée contre le pauvre Tom, que vous malmenez et piquez du bec si cruellement, mistress G…, parce qu’il est rentré au logis, la nuit dernière, venant de cette petite partie à Greenwich, légèrement indisposé par le saumon et le concombre, non par le punch glacé, oh ! non, il y goûta à peine ! Vous êtes fâchée avec votre meilleure moitié, votre alter ego, et vous désirez lui donner, comme vous dites élégamment, un échantillon de votre esprit. Ma chère âme, quel souci peut avoir de vous Tom derrière sa pipe ? Croyez-vous qu’il vous écoute, ou qu’il pense à vous, tandis qu’il est à examiner paresseusement avec ses yeux rêveurs les spirales bleues de la fumée qui tourbillonnent dans l’air en sortant de son fidèle fourneau d’écume de mer ? Il rêve à la jeune fille qu’il a connue il y a quatorze ans, avant qu’il tombât sur ses genoux dans le parloir retiré, et écorchât son articulation en vous offrant sa main ; il pense au pique-nique d’Epping Forest, où il la rencontra la première fois, quand on portait des robes à taille courte et que Plancus était consul ; quand il y avait