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DU SERPENT.

chaque entretien tenu sur l’escalier ou dans le couloir, après chaque excursion sur les quais et dans les rues, il rentrait aussi allègre que le premier jour, et venait se rasseoir à la petite table près de la croisée, sur laquelle ses collègues (ou plutôt ses compagnons, car ni M. Darley, ni le boxeur ne pouvaient être pour lui de la moindre utilité) jouaient, en prenant la tournure de vouloir se ruiner l’un l’autre du matin au soir. Mais la vérité vraie de tout cela était, qu’à tout prendre, ses soi-disants coadjuteurs étaient décidément enrôlés dans sa profession : Gus Darley, du jour où il s’était distingué dans l’évasion de l’asile, se considérait comme un Vidocq amateur, et le boxeur, du moment où il avait lancé sa gauche, et avancé, sans s’en douter, la cause de Richard et de la justice, par la suppression momentanée du comte de Marolles, soupirait d’écrire son nom ou plutôt d’apposer sa marque sur les tablettes de la renommée, en arrêtant ce gentleman de sa propre personne, et sans un secours étranger quelconque. C’était donc pour lui chose pénible que d’être obligé d’abandonner la perspective d’une si glorieuse aventure à un homme de quelques pouces comme M. Peters. Mais il avait un caractère tranquille et conciliant, et aurait jeté bas son adversaire avec autant de bonne humeur qu’il aurait mangé un dîner de son goût, ou aurait abordé en souriant l’individu qui l’aurait renversé ;