Page:Braddon - La Trace du serpent, 1864, tome II.djvu/412

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
406
LA TRACE

pour son dévouement. Peters est accablé de tristesse à l’idée de se séparer du maître qu’il a tant aimé.

« Je crois, monsieur, dit-il sur ses doigts, que je ferai bien d’épouser Kuppins et de m’adonner tout entier à l’éducation de l’enfant trouvé ; ce sera un grand homme, monsieur, s’il vit, car tout enfant qu’il est son cœur est tout entier à sa profession. Croiriez-vous cela, monsieur, que l’enfant a vociféré trois mortelles heures parce que son père s’était suicidé et l’avait privé du plaisir de le voir pendre ? Voilà ce que j’appelle l’amour du métier, sans crainte de me tromper. »

Sur l’autre côté du pont, voici un petit groupe que Richard rejoint bientôt. Une dame et un gentleman avec un petit garçon, et à quelque distance un homme à l’air grave, avec des lunettes bleues et un domestique, un lascar.

Le gentleman sur le bras duquel s’appuie la dame a un cachet particulier, qui le fait reconnaître, aux yeux du plus vulgaire observateur, pour un militaire, malgré son costume simple et son large pardessus. Et cette dame qui s’appuie sur son bras, ce visage brun aux traits classiques n’est pas de ceux qu’on peut facilement oublier ; c’est Valérie de Cévennes et son premier et cher mari Gaston de Lancy. Si j’ai dit peu de chose de cette réunion, de cette repossession du seul homme qu’elle a jamais aimé,