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LA TRACE

des murs grisâtres qui renferment les êtres brisés qui étaient autrefois forts et complets, et éteignent les intelligences qui étaient autrefois brillantes et élevées.

Mais pour vous, étranger à ce lieu, examinant pour la première fois ces groupes d’hommes et de femmes se promenant lentement de long en large dans les allées sablées, ce qui aurait été le plus étonnant, et peut-être même le plus affligeant, c’eût été de voir l’apparence presque heureuse de ces créatures misérables. Ô ! don béni de celui qui apaise la tempête ! ô ! sagesse merveilleuse et pleine de miséricorde de celui qui approprie la force au fardeau ! Voilà un de tes bienfaits ! cet homme sujet aux inquiétudes, et aux doutes, ou aux aspirations insensées vers un milieu impossible à atteindre, que toute la sagesse du monde était impuissante hier à calmer, est heureux aujourd’hui avec un morceau de papier ou un chiffon de ruban ! Nous, qui favorisés de la divine clarté, jetons un regard sur ces ténèbres intellectuelles dignes de pitié, nous sommes peut-être beaucoup plus malheureux, parce que nous ne pouvons dire combien de petits chagrins cette mort dans la vie peut ensevelir. Ils se sont retirés de nous, leur langage n’est pas notre langage, ni leur monde notre monde. On a fait, je crois, cette étrange question : qui peut dire si leur folie ne vaut pas mieux que notre sagesse ? Celui-là seul,