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LA TRACE

ressemblait à un cataplasme de moutarde ou à un savon jaunâtre à l’état de dissolution, tandis que de gais compagnons secouaient les cendres de leurs pipes dans leurs assiettes, répandaient leur porter en portant le verre à leurs lèvres et charmaient gaiement le temps de la façon la plus enivrante. Un gentleman, un jeune Cherokée, après avoir mangé sa rôtie s’était laissé aller au sommeil la tête dans son assiette et ses sourcils dans la moutarde. Quelques-uns jouaient aux cartes, d’autres aux dominos ; l’un des gentlemen était tout en pleurs, parce que le double-six qu’il voulait poser était tombé à côté dans un crachoir, et qu’il ne se sentait ni la force morale ni la puissance physique de le ramasser ; mais, à l’exception du gentleman endormi, chacun parlait très-haut et sur des sujets complétement différents, l’effet général que cela produisait était plein d’animation, pour ne pas dire de confusion.

« Gentlemen, dit Gus, j’ai l’honneur d’amener un ami que je désire vous présenter.

— Très-bien, Gus, dit le gentleman engagé dans la partie de dominos ; c’est moi qui dois jouer. »

Et, fixant un œil moitié ouvert sur l’ivoire souillé, il s’échappa en une série de ridicules imprécations contre le monde en général et contre le domino en particulier.

Richard prit un siège à une petite distance de ce gentleman et à l’extrémité de la longue table, siège