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DU SERPENT.

que les odeurs des chaudières de savon à l’angle de la rue, les fortes émanations des fabriques de chandelles de l’autre côté, et dans le milieu les parfums variés des divers établissements de manufacturiers qui gagnent des milliers de livres par semaine, sans compter les partielles effluves domestiques représentées par un amalgame d’odeurs de harengs saurs, de chiffons moisis, de vieilles bottes, d’oignons, de lessives, de cheminées fumeuses, de chats morts, d’œufs pourris et de deux ou trois égouts à ciel ouvert, il faut croire, dis-je, que toutes ces senteurs luttant ensemble n’envahissaient pas l’atmosphère de Friar Street avec une intensité aussi considérable dans le bon vieux temps qu’elles l’infectent de nos jours, à cette époque de luxe et de raffinement.

L’établissement de M. Darley, réputé chirurgie et pharmacie par excellence, était peut-être un des lieux les plus prétentieux de la rue. Il s’annonçait, en effet, avec une telle redondance de lettres dorées et de becs de gaz, qu’il semblait dire : « En vérité, maintenant, vous pouvez être malades, ou si vous ne l’êtes pas, vous devez l’être. » Ce n’était pas une très-vaste maison, cet établissement de M. Darley, mais il y avait au moins une demi-douzaine de poignées de sonnettes à la porte d’entrée. Là étaient inscrits : cabinet de chirurgie ; ici : sonnette de jour ; là : sonnette de nuit (Gus voulait en avoir pour le matin et l’après-midi, mais on lui dit que ce n’était