fert si longtemps en secret, que c’était pour elle un bonheur indicible de pouvoir exhaler sa douleur en paroles.
« Je suis cruellement persécutée, Phœbé Marks, et par un homme auquel je n’ai jamais de ma vie fait aucun mal. Il ne me laisse pas un instant de repos cet homme, et je… »
Elle s’arrêta et contempla de nouveau le feu comme lorsqu’elle était seule. Elle se perdit de nouveau dans le dédale de ses pensées sans qu’il lui fût possible d’arriver à tirer de ce chaos confus une conclusion quelconque.
Phœbé Marks regarda son ancienne maîtresse d’un œil inquiet, et ne cessa de l’examiner que lorsque les regards des deux femmes se rencontrèrent.
« Je crois savoir quel est l’homme en question, milady… celui qui est si cruel pour vous.
— Oh ! c’est probable ; mes secrets appartiennent à tout le monde, et vous savez tout sans doute
— Cet homme n’est-il pas le gentleman qui vint à l’hôtel du Château il y a deux mois, à l’époque où je vous avertis de…
— Oui, oui, répondit milady avec impatience.
— Je l’aurais parié. Ce même gentleman est arrivé ce soir dans notre auberge. »
Lady Audley bondit sur son fauteuil, — comme si son désespoir l’eût poussée à quelque chose d’inattendu, mais elle retomba aussitôt en soupirant. Comment pouvait-elle, faible créature, lutter contre la destinée ? Quelles ressources lui restait-il, sinon les crochets du lièvre traqué par la meute, et harcelé jusqu’au gîte où l’attend la mort ?
« Dans votre auberge ! s’écria-t-elle. J’aurais dû m’en douter. Il n’y est allé que pour arracher mon secret à votre mari. Imbécile ! ajouta-t-elle, se retournant tout à coup vers Phœbé Marks avec colère : Vous