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Page:Braddon - Le Secret de lady Audley t2.djvu/135

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DE LADY AUDLEY

Luke Marks aurait continué longtemps sur ce ton si milady ne s’était tout à coup retournée vers lui, et ne l’avait rendu muet d’un regard. La flamme qui s’échappait de ses yeux était verdâtre comme celle qui se dégagerait de l’œil en courroux d’une sirène.

« Taisez-vous, dit-elle, je ne suis pas venue ici pour écouter vos insolences. Combien devez-vous ?

— Neuf livres. »

Lady Audley tira sa bourse — un bijou en ivoire, argent et turquoise — et en sortit un billet de banque et quatre souverains qu’elle déposa sur la table.

« Je veux un reçu de cet homme avant de partir, » dit-elle.

Il fallut du temps pour faire comprendre au gardien ce qu’on désirait de lui, et ce ne fut qu’en lui mettant entre les doigts une plume pleine d’encre qu’il comprit que sa signature était nécessaire au bas du reçu écrit par Phœbé Marks. Dès que l’encre fut sèche, lady Audley prit le papier et quitta la salle. Phœbé la suivit.

« Vous ne vous en retournerez pas seule, milady ; dit-elle. Laissez-moi vous accompagner.

— Oui, oui, vous m’accompagnerez. »

Les deux femmes se trouvaient près de la porte de l’auberge pendant que milady parlait. Phœbé regardait son ancienne maîtresse. Elle s’était attendue à ce que lady Audley fût pressée de repartir après avoir payé l’affaire dont elle avait voulu si capricieusement s’occuper ; mais il n’en fut pas ainsi ; milady était appuyée contre le montant de la porte et regardait dans le vide. Mistress Marks eut peur de nouveau que des chagrins récents n’eussent rendu sa maîtresse folle.

Une petite horloge hollandaise placée derrière le comptoir sonna une heure, pendant que lady Audley demeurait ainsi indécise et complètement irrésolue.