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Page:Braddon - Le Secret de lady Audley t2.djvu/151

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DE LADY AUDLEY

qu’en compagnie de reproches ? Je ne la vois jamais dans mes rêves, je ne m’éveille jamais en sursaut au milieu de la nuit pour voir ses yeux brillants me contempler, pour sentir sa chaude haleine sur ma joue ou la pression de ses doigts mignons sur ma main. Non, je ne l’aime pas, je ne puis devenir amoureux d’elle ! »

Il se révoltait contre son ingratitude. Il en était furieux. Il essayait par toutes sortes de raisonnements de faire éclore en son cœur une belle passion pour sa cousine, mais c’était impossible, et plus il s’efforçait de songer à Alicia, plus il songeait à Clara Talboys. Les sentiments que je décris maintenant dataient de la période écoulée entre son retour du Dorsetshire et sa visite à Grange Heath.

Sir Michaël s’assit au coin du feu après déjeuner, dans cette triste matinée pluvieuse, et passa son temps à écrire ou à lire les journaux. Alicia s’enferma chez elle pour achever le troisième volume d’un roman, et lady Audley ferma la porte de la chambre octogone et erra toute la journée dans la longue enfilade de ses appartements.

Elle avait fermé la porte à clef pour se mettre en garde contre une visite inattendue qui l’aurait prise à l’improviste, qui ne lui aurait pas donné le temps de composer assez bien sa figure pour défier l’observation. Elle pâlissait de plus en plus à mesure que la matinée s’écoulait. Sur sa table de toilette était un petit coffret à médicaments renfermant des fioles à chloroforme, lavande, chlorodyne et éther. Une fois milady s’arrêta devant ce coffret et en tira à moitié machinalement peut-être les fioles qui y restaient. Elle finit par en rencontrer une pleine d’un liquide noirâtre et dont l’étiquette portait : Opium. — Poison.

Elle joua longtemps avec cette fiole, la regarda à travers le jour, et la déboucha même pour respirer