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Page:Braddon - Le Secret de lady Audley t2.djvu/184

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LE SECRET

naturel dans un moment comme celui-ci, mais vous lui serez plus utile en ne cherchant pas à pénétrer le secret de sa douleur ; votre ignorance des détails sera la garantie de votre discrétion. Ne dites à votre père que ce que vous pouviez lui dire il y a deux ans avant qu’il se remariât. Soyez pour lui ce que vous étiez avant que cette femme vînt s’interposer entre lui et vous.

— Je le serai, murmura Alicia, je le serai.

— Évitez de prononcer le nom de lady Audley. Si votre père garde le silence, ayez de la patience ; s’il vous semble que sa douleur ne finira qu’avec sa vie, ayez encore de la patience et souvenez-vous que le seul moyen de le guérir, c’est de lui faire espérer à force de soins qu’il existe sur terre une femme qui l’aimera jusqu’à son dernier jour et de toutes les forces de son âme.

— Oui, Robert, oui, mon cher cousin, je m’en souviendrai. »

M. Audley embrassa sa cousine sur le front. C’était la première fois depuis qu’il avait dit adieu aux bancs du collège.

« Ma chère Alicia, dit-il, vous me rendrez heureux en agissant ainsi. J’ai été en quelque sorte l’instrument du malheur de votre père. Laissez-moi espérer que ce malheur ne sera pas éternel. Rendez mon oncle au bonheur, Alicia, et je vous aimerai comme jamais frère n’a aimé une noble sœur, et l’affection d’un frère vaut peut-être mieux, Alicia, que l’adoration enthousiaste de sir Harry Towers, quoiqu’elle ne lui ressemble guère. »

Alicia courba la tête et déroba ses traits à son cousin pendant qu’il parlait ; mais, quand il eut fini, elle releva la tête et le regarda bien en face avec un sourire que rendaient plus brillant encore les larmes qui remplissaient ses yeux.