consacrait son temps au lieu de s’occuper de lui.
Tout d’abord, il y avait eu entre eux beaucoup de cérémonies ; mais peu à peu, ils étaient devenus familiers et amis en causant des aventures de George. L’intimité était venue ensuite, et au bout de trois semaines, miss Talboys rendait Robert heureux en lui reprochant d’avoir mené si longtemps une vie inutile et d’avoir négligé les occasions de montrer ses talents.
Quel bonheur d’être sermonné par la femme qu’il aimait ! Quel bonheur de pouvoir s’humilier et se déprécier devant elle ! Comme l’occasion était belle pour lui donner à comprendre que, s’il avait eu un but unique à poursuivre, il eût cherché à être autre chose qu’un flâneur, et n’eût pas reculé devant les obstacles pour obéir à la voix qui lui disait de marcher. Aussi, il en profitait largement, et terminait d’habitude ses hypothèses en disant qu’il allait renoncer probablement à son genre de vie d’autrefois, et commencer une nouvelle existence.
« Croyez-vous donc, disait-il, que je lirai des romans français et que je fumerai du tabac turc jusqu’à soixante-dix ans ? Croyez-vous que le jour n’arrivera pas où ma pipe m’ennuiera ainsi que les romans français, et où la vie me paraîtra si monotone que je ne serai pas fâché d’y renoncer de manière ou d’autre ? »
Je constate avec peine que pendant que le jeune avocat se permettait ces lamentations hypocrites, il avait déjà vendu en esprit tout son mobilier de garçon, y compris la collection complète de Michel Lévy et une demi-douzaine de pipes montées en argent, pensionné mistress Maloney, et dépensé deux ou trois mille livres à faire l’acquisition d’un coin de terre verdoyant où se cachait une maisonnette toute tapissée à l’extérieur de plantes grimpantes et coquettement penchée sur le bord d’un lac.
Il va sans dire que Clara Talboys ne comprenait pas