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LE SECRET

— Les quoi… madame ? s’écria le jeune avocat, dévisageant son interlocutrice avec étonnement.

— Je vous demande pardon, monsieur, reprit la jeune femme s’apercevant qu’elle venait de commettre une erreur grossière. Vous auriez pu en faire partie, vous savez, quelques-uns des messieurs qui vont encaisser de maison en maison sont si bien mis que j’ai pu me tromper. Je sais que mistress Vincent doit beaucoup d’argent »

Robert Audley posa sa main sur le bras de la jeune femme.

« Ma chère dame, lui dit-il, je ne veux rien savoir des affaires de mistress Vincent. Loin d’avoir quelque chose de commun avec ce que vous nommez les gens de la taille, je vous avoue que je ne comprends même pas ce que cela signifie. C’est peut-être une conspiration politique que vous désignez sous ce nom ? ou bien encore un nouveau genre d’impôt. Mistress Vincent ne me doit rien, quels que soient ses démêlés avec ce terrible boulanger de là-bas. Je ne l’ai jamais vue de ma vie, et si je la cherche aujourd’hui, c’est pour lui adresser quelques simples questions au sujet d’une jeune fille qui a jadis vécu chez elle. Si vous savez où elle demeure et que vous vouliez me le dire, vous me rendrez un grand service. »

Il sortit un portefeuille, prit une carte de visite et la tendit à la jeune femme, qui examina attentivement le morceau de carton avant de reprendre la parole.

« Monsieur, vous m’avez tout à fait l’air d’un gentleman, dit-elle après un moment d’arrêt, et j’espère que vous m’excuserez si je me suis montrée méfiante. La pauvre mistress Vincent a eu bien des ennuis, et je suis la seule personne des environs qui sache son adresse. Je suis couturière en robes, monsieur, et j’ai travaillé pour elle pendant plus de six ans. Elle ne m’a pas payée très-régulièrement, mais elle me donne