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LE SECRET

d’objets fantastiques qui n’ont jamais existé ni pu exister sur la terre, et qui avaient cependant quelques vagues liaisons avec les événements réels dont se souvenait le dormeur.

Dans ces rêves pénibles, il vit le château d’Audley arraché aux verts pâturages et aux ombrages du comté d’Essex, transplanté sans tous ses accessoires sur cette plage déserte, et menacé par les vagues mugissantes qui semblaient prêtes à engloutir la maison qu’il aimait. À mesure que les vagues s’approchaient de plus en plus de la maison, le dormeur aperçut une figure pâle au milieu de l’écume argentée, et il reconnut milady, qui, transformée en sirène, attirait son oncle vers l’abîme. Au-delà des eaux, des nuages gigantesques plus noirs que l’encre et plus épais que les ténèbres apparaissaient aux yeux du rêveur ; mais pendant qu’il regardait cet horizon étrange, ces nuages précurseurs de la tempête disparurent peu à peu, et un rayon de lumière vint danser sur les vagues hideuses qui se retirèrent lentement sans entraîner la maison loin du bord.

Robert s’éveilla avec le souvenir de ce rêve et éprouva une sensation de bien-être, car le poids immense qui oppressait sa poitrine venait d’être enlevé.

Il se rendormit ensuite et ne s’éveilla que lorsque le pâle soleil d’hiver pénétra dans sa chambre à travers les persiennes. La voix aiguë d’une servante vint retentir à sa porte en annonçant qu’il était huit heures et demie passées. À dix heures moins un quart il avait quitté l’hôtel Victoria et cheminait sur une plate-forme solitaire en face des maisons qui se dressaient sur le bord de la mer.

Ces maisons carrées s’étendaient jusqu’au petit port dans lequel deux ou trois vaisseaux marchands et des bateaux à charbon se trouvaient à l’ancre. Au delà du port se dessinaient les murs grisâtres d’une caserne